L'âlâp

Le râga interprété en dhrupad se compose de deux parties, l'âlâp et le poème chanté

Pour les principales écoles, l'âlâp est composé de trois parties différenciées par leur vitesse d'exécution : âlâp lent, moyen et rapide.
Chacune de ces parties repose sur une structure bien définie, ainsi que des syllabes particulières (c'est-à-dire adaptées à la vitesse du lay).

Tout l'âlâp est chanté sur des mantres décomposés en syllabes (ces paroles insaisissables sont généralement Ôm Ananta Nârâyan ou Tûn hî ananta Hari, réduites aux syllabes ta, na, yé, ri, ra, di, nom ...)
C'est par le traitement des voyelles que le râga s'épanouit, et à travers elles que naissent les relations intimes entre les notes.

Le lay, lent, permet une exploration de la note et met en valeur les ornements nécessaires au râga. Le dhrupad est tributaire de la pureté du râga, et aucun mélange de râga ou d'ajout de notes n'est admis : l'on chante les poésies du dhrupad très précisément selon les lois des râgas auxquels elles sont liées.

Les notes importantes du râga sont mises en valeur par des glissandos aux formes spécifiques selon le râga (mînds), les kans et les gamaks (technique vocale constitant à varier l'intensité d'une note par un violent mouvent du diaphragme).

L' âlâp lent donne lieu à la présentation de la tonique, puis à une exploration de la gamme mettant en valeur chaque aspect des notes du râga.

Dans cette ambiance irréelle, où l'auditeur se perd dans le monde bâti par le chanteur autour du râga, la pulsation fondamentale n'apparaît pas, et le percussionniste, rappelons-le, n'intervient pas pendant tout l'âlâp sauf pour annoncer d'un coup sec un changement de lay.

Cette forme d'âlâp donne lieu généralement à un développement très long, mais selon les styles, il peut se dérouler sur cinq à quinze minutes, la famille Dagar se faisant une spécialité d'un âlâp longuement développé. Cependant l'esthétique générale d'un concert amène parfois les musiciens à interpréter un râg avec un âlâp lent écourté (pour un second râga, par exemple).

L'atteinte du SA aigu est le signe du passage à la seconde partie de l'âlâp, l'âlâp médium (madhye). Si le passage n'est pas très facile à entendre, c'est que la pulsation apparaît de façon très progressive. Le musicien, par exemple, marque une note sur la pulsation toutes les dix notes, puis toutes les cinq notes, faisant lentement émerger l'élément rythmique.

C'est au court de cette seconde partie de l'âlâp que le jeu du chanteur s'oriente nettement autour du rythme.

Bien plus marqué est le passage de la seconde à la troisième partie de l'âlâp, l'âlâp rapide. C'est principalement par un doublement de la pulsation et l'utilisation de bols spécifiques (tels nom tom) que l'on repère l'âlâp rapide. Les modulations mélodiques, la finesse des ornements s'estompent pour faire place à une importance accrue du rythme. Sam, khâlî, et tâlî apparaissent et se développent jusqu'aux limites techniques du chanteur.

Au paroxysme rythmique de l'âlâp, le chanteur introduit le poème chanté, et retourne au lay lent du début de l'âlâp. Il est alors rejoint par le percussionniste. 

© Francis Tupper - 1994-2016